Le samedi 18 mars 1662, dès sept heures du matin, la foule commence à se masser sur le Pont Neuf. Elle attend de voir passer les premiers carrosses à cinq sols1 dont des placets ont annoncé la mise en service. Quand le premier apparaît, venant de la rue Saint-Antoine, portant les armes de la ville de Paris et escorté des archers de la Prévôté, mené par un cocher à la casaque bleue accompagné d’un laquais vêtu de même, il est applaudi et les rires fusent, d’agrément et de joie. À l’époque, les nobles et les riches ont seuls ce privilège de pouvoir se déplacer en voiture à travers la ville. Les bourgeois et le peuple doivent marcher dans les rues sales se faisant éclabousser de boue par les chevaux et les roues. Vers 1650, dans une grande maison de la rue Saint-Martin dont l’enseigne était un saint Fiacre, Nicolas Sauvage avait eu l’idée d’entreposer des voitures qu’il louait à l’heure ou à la journée. N’ayant pas sollicité de privilège, il fut bientôt imité et des dépôts existaient un peu partout dans Paris. Mais il en coûtait une pistole ou deux écus la journée pour louer une voiture, qu’on surnomme fiacre, un prix très élevé qui ne réservait ce service qu’aux gens fortunés. Quatre amis ont alors l’idée de louer des carrosses proposant huit places qui feraient un trajet régulier dans Paris, partant de demi-quart d’heure en demi-quart d’heure, offrant huit places, pouvant être hélés où l’on veut sur ce trajet et déposant leurs passagers où ils le souhaitent. Ils ont l’idée d’un nom qui claque comme un oxymore et frappe les esprits : il allie le symbole même du luxe, le carrosse, à une somme modique, cinq sols.

Auteur: Hervé Dumez

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