Vingt ans après sa rédaction, le texte de Michel Berry sur les technologies invisibles (Berry, 1983) est-il toujours d’actualité ? La question peut surprendre tant les problématiques sous-jacentes paraissent intemporelles. Certes, les outils de gestion ont évolué au gré des modes et pratiques managériales, principalement du fait de la globalisation de l’activité économique et du rôle croissant des nouvelles technologies dans la diffusion de l’information. Aussi, la question n’est pas tant celle de l’existence de technologies invisibles que celle de leur forme. En 1983, les outils de gestion résultaient généralement d’un cadre réglementaire ou de la diffusion de « best practices » par des sociétés de conseil. Cependant, le texte de Michel Berry n’évoquait pas l’influence des classements sur les organisations puisqu’ils n’en n’étaient qu’à leurs prémices. Or, ces démarches comparatives, dont la vocation est dans bien des cas celle d’informer les consommateurs ou les contribuables, ont connu un fort développement au cours des trente dernières années. Les institutions de l’enseignement supérieur sont particulièrement concernées par ce phénomène puisque certaines d’entre elles peuvent être classées plus d’une dizaine de fois par an. Pour leurs dirigeants, le plus souvent à la tête d’associations ou d’entités publiques, les résultats de ces « rankings » rythment l’année académique et s’apparentent quasiment aux cours de bourse d’une société cotée sur les marchés financiers. Au sein de cette myriade de classements, celui de Shanghai (Academic Ranking of World Universities) semble avoir un effet significatif et inédit sur la dynamique de l’enseignement supérieur.
Auteur: Jean Charroin