Dans le domaine de la recherche qualitative, la description est au cœur de plusieurs paradoxes épistémologiques et méthodologiques1. Rien de plus simple à comprendre, en apparence, de plus familier, et rien de plus compliqué à analyser quand on y prête attention. Rien de plus dénigré : Andrew Abbott (2003, p. 43) fait remarquer qu‟il n‟existe pas de séminaire de sciences sociales où l‟on n‟ait pas entendu des centaines de fois : « But your analysis is merely descriptive ». Le mot description, note-t-il, est rarement employé sans que l‟adjectif « mere » ne lui soit accolé. Présentant l‟étude de cas, Yin (1994) reprend la distinction entre exploratoire, explicatif et descriptif. Il oppose l‟approche descriptive à une approche qui repose sur des propositions théoriques, considérant cette dernière comme nettement supérieure à la première. Par ailleurs, il ne consacre aucun développement particulier à la description : il explique l‟étude de cas sans chercher à montrer comment en faire une. Rien de plus important, au contraire, pour certains courants philosophiques, ou certaines disciplines (phénoménologie, ethnométhodologie, ethnologie). Une importante littérature existe d‟ailleurs dans ces disciplines sur la description. En sociologie, depuis l‟article fondateur de Harvey Sacks en 1963, jusqu‟au livre de Ackermann et alii (1985) ou Lahire (1998). En ethnologie, avec un numéro spécial de la revue de l‟EHESS, L’Enquête, en 1998, et le livre de Blundo et de Sardan en 2003. Mais dans d‟autres disciplines également, comme la biologie (Manago et alii, 1992). Cette littérature traite de la philosophie de la description, de son épistémologie, mais explique assez peu les problèmes concrets de la description : qui cherche une description de la pratique descriptive et de ses difficultés a du mal à en trouver une.

Auteur: Hervé Dumez

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