Pourquoi les approches qualitatives ou les études de cas sont-elles souvent décevantes ? La question n’est pas tant celle, souvent évoquée, de l’incapacité de généraliser les résultats. Ou celle de la subjectivité de l’approche. Le mal est plus profond : les études de cas ne parviennent souvent pas à convaincre en tant qu’études de cas. Les faits eux-mêmes ne sont pas aussi bien analysés qu’on pourrait l’attendre. Ils sont à la fois trop touffus et trop parcellaires. Surtout, la liaison entre l’approche théorique et ces mêmes faits apparaît trop superficielle : la théorie éclaire le cas comme elle en éclairerait une multitude d’autres ; le cas est éclairé par la théorie comme il pourrait l’être par une multitude d’autres théories. Alors pourquoi ce cas-là et pourquoi ce cadre théorique-là ? – se demande le lecteur. Le malaise est d’autant plus profond que le plan adopté pour rendre compte des études de cas, désormais, s’est le plus souvent aligné sur le plan classique des études de style quantitatif : question de recherche, revue de bibliographie, étude de cas, résultats. La revue de littérature semble élaborée avant l’étude de cas – ce qui apparaît absurde – et l’étude de cas n’est souvent là que pour « vérifier » (vérifier sur un cas ?) ou illustrer la théorie. Or vérifier ou illustrer une théorie sur une occurrence apparaît l’un des usages les plus faibles que l’on puisse faire de l’étude de cas. L’auteur, parfois, cherche à élaborer un « cadre théorique » en empruntant des éléments épars à plusieurs théories, mais sans se poser la question de savoir si les théories sont modulables et si des modules empruntés à diverses théories peuvent être recombinés ad libitum.

 

Auteur: Hervé Dumez

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