Peu avant sa mort, dans un de ses derniers textes, Pierre Bourdieu (qui l’a lu jeune) a prévu une mode Wittgenstein dans les sciences sociales : l’auteur est « chic et obscur », la forme aphoristique qu’il donne à sa pensée permet de l’utiliser dans n’importe quel sens (et souvent dans des sens que lui-même a clairement combattus), son positionnement en rupture avec l’histoire de la philosophie permet à des non-philosophes de le mobiliser sans vergogne excessive. Il suffit de procéder par « la citation de fragments obscurs et décontextualisés ». C’est un peu ce que l’on va faire ici. Souvent en effet, quand un doctorant rencontre une difficulté, je le confronte avec une citation de Wittgenstein. Généralement, cette citation l’aide vraiment (un jour que je lui en avais envoyé quelques-unes, après un échange que nous avions eu sur les problèmes qu’elle rencontrait, Emmanuelle Rigaud les afficha un peu partout sur les murs du laboratoire…). Il n’y a pas là de hasard. Rarement quelqu’un aura vécu la recherche, le questionnement intellectuel, aussi pleinement que Wittgenstein. Il n’est pas étonnant que l’on trouve dans ses œuvres des remarques ou conseils, d’orientation très pratique, qu’il s’adressait souvent à lui-même et qu’il est utile de méditer. Souvent, les images qu’il utilise sont concrètes, simples et frappantes. Les extraits rassemblés ici sont accompagnés de commentaires. Ils peuvent être sautés. L’essentiel à penser, de manière personnelle, se trouve bien évidemment dans les citations elles-mêmes. Il faut les lire et relire régulièrement, comme on le fait d’un bréviaire (pendant la thèse, mais aussi après). Mais il faut surtout y retourner au moment même d’une difficulté rencontrée.

Auteur: Hervé Dumez

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